Disparition de Pocahontas Jensen
décembre 20, 2009
« Disparition de Pocahontas Jensen » est un texte en khoïsan (bantou) et allemand de Rufus Pastourie, paru à Lüderitz en 2008, et dont je suis en train de traduire la partie allemande. Rufus Pastourie est vétérinaire pour gros animaux. Il m’a été présenté par l’une de mes tantes, vivant depuis de nomreuses années en Namibie, que je remercie et que j’embrasse.
–x–
La rivière Colonie n’existe pas. Elle naît du bruit de la pluie sur les toits. Elle naît du crescendo-decrescendo monotone de la circulation dans la rue où je me suis installée. Je ne sais quelle sensation j’éprouve devant cette coulée de boue vers laquelle j’allonge parfois la main pour m’alimenter. Je reste au bord de la rivière, car je me sens effleurée. Le contact de cette surface lisse et froide me permet de comprendre comment cesser de vivre dans la traînée. Non que je sorte vraiment de mon état contemplatif, je m’y déplace plutôt comme dans le sommeil, soudain aspirée, soudain écrasée. Evidemment, la mort ne ressemble pas au sommeil. Elle ne se compare pas. Comparer relève des attributions élémentaires d’un cerveau normal. On compare la mort au sommeil, ou à un costume qu’on abandonne, à une vieille peau. On lui attribue une valeur. Mais on ne se pose pas la question de la rivière Colonie. Pourtant on devrait.
Un léger souffle rectiligne descend de la colline et traverse le village. A l’intérieur ce sont pour la plupart des ouvriers, des artisans et des fermiers de passage. Mais ce sont surtout des calendriers épinglés aux murs. Du bord de la rivière, on les voit quand vient le soir, au-dessus du bahut. J’apprends à regarder du dehors. Et je continue d’écrire. Je me promène ainsi lentement à travers un paysage qui se transforme avec moi. Rien n’existe que d’être traversé. Ou plutôt je ne bouge pas, le temps et l’espace s’en chargent. Mon travail consiste à me rendre compatible avec ce qui se produit. Ce que les autres appellent l‘enfer. Je ne peux que rêver de ce monde meilleur dans lequel il n’est plus donné de nom aux enfants, dans lequel nous sommes définis de manière aléatoire, selon les circonstances ou la fantaisie de qui parle, fidèles au chaos qui nous a engendrés.
Excuse-moi Philippe de ne pas avoir réagi, mais cette réponse malgré abonnement a du m’échapper dans les flots…
Bien saisi que tu es en train de traduire, mais la version originale – allemande et bantou – est-ce qu’on peut la trouver quelque part ?
Ou est-elle aussi fuyant que son auteur ou ses homonymes sur facebook.
Viens de trouver un deuxième – http://www.facebook.com/profile.php?id=100000207767552&ref=mf
Le premier a disparu, après avoir accepté ma requête…
amitiés
Martin
Bonjour Martin, es tut mir leid, dass ich so spät antworte. R. Pastourie est tout aussi réfractaire à mes propres messages, y compris via le canal familial. Je ne possède qu’un tapuscrit de la partie allemande de ce texte, que m’a envoyé ma tante et qui fait mention d’une éd. à Lüderitz. Si je me suis lancé dans cette traduction, c’est que cette dimension de « disparition » fait écho à tout un versant de mon propre travail en cours, qui porte sur l’aphasie. Je voudrais obtenir le feu vert de Pastourie pour insérer son texte comme préface au mien. Il y a aussi que la famille Pastourie est liée à la mienne via un biais qui n’a rien de littéraire, mais qui m’a marqué enfant. Mon grand-père médecin est l’un des inventeurs de la thérapie par Frischzellen (l’autre est Dr Niehans). Or c’est en Namibie que mon grand père a fait ses premiers prélèvements de moelle sur les animaux dans la proprtiété des Pastourie. Quand j’étais gosse, j’allais souvent en Allemagne chez mes grand-parents. Un jour j’ai reçu une injection de cette mixture de cellules fraîches, censée être bénéfique à ma maladie génétique… je garde de cette journée le souvenir atroce d’avoir été mélangé avec un animal (le vaccin se faisait alors avec des cellules de génisses, de veaux). Bref, croiser un texte d’un Pastourie a évidemment fait tilt aujourd’hui.
Merci Philippe pour ces explications éclairantes et meurtries.
En dehors de ces rapports qui se croisent et s’entrechoquent, ça ressemble à un polar où les pistes se perdent.
Bon courage pour la suite et pour que cette aventure aboutisse
bien à toi
Martin
Nouvelles de toi indirectement, par le fret original qui se fraie ainsi un passage avec armes et bagages bien visés.
Bonne fin d’année et surtout commencement d’année prochaine !
bonjour cher Dominique, à toi et aux tiens aussi une très belle fin d’année, et une reprise dans ce qui nous fait du bien!
Merci Philippe,
pour cette découverte, qui me rend bien curieux de ce livre (mais comment se le procurer?) et ouvre une longue chaîne d’associations de Pocahontas et ses répercussions dans les lettres allemandes (d’Arno Schmidt à Klaus Theweleit).
Enfin buté sur Lüderitz, nom qui rappelle la courte colonisation allemande de la Namibie…
Venant de terminer Federman et son « retour au fumier », cela me replonge dans une ambiance similaire.
Bonnes fêtes
Martin
bonjour martin, le livre n’existe pas encore, c’est une porte ouverte sur le travail en cours, tu dis vrai, ça sent sale du côté de Lüderitz, on explore ces contrées aussi, par le biais de ce qui avance sous l’étiquette de « récit de guerre » mais dont je vois que chaque fois que la guerre voudrait pointer son nez dans l’écriture, eh bien quelque chose l’étrangle – manière de trouver la distance de résistance à ces territoires de fange en faisant autrement que de dresser une violence contraire, en sortant justement du registre guerrier – on verra où ça mène – bonnes fêtes à toi aussi, P