techniciens de surface

décembre 8, 2009

écriture absente à la parole, qui matérialisait la perte qui l’avait déclenchée

Nous nous sommes retrouvés durant toutes ces séances sans échanger un mot. Nous étions reliés par les feuillets, chaque fois plus nombreux, qu’il déposait entre nous sur la table. Lui et moi savions que la situation n’allait pas s’améliorer, je dirais même que nos rencontres ont fini par sceller un pacte du pire. Tel est le prix de l’écriture. Celui qui s’en sort jure de poursuivre. Demeurant aussi évasif que possible, j’ai toutefois juré de reprendre à mon compte le ressassement sans fin de ces pages sans auteur véritable, quitte à être le dernier.

Nous nous sommes vite aperçus de l’avantage de notre dispositif. L’écriture réduite à l’état de transcription ne faisait pas seulement l’économie de l’auteur, elle transformait aussi cette vacance en profondeur, sans que personne ne se soucie du tour que prenaient les événements. J’aurais été incapable d’expliquer la manière étrange dont les phrases s’écrivaient. Cela avait lieu. Cela se produisait au détriment des procédés les plus courants. Immédiatement, la description fut sacrifiée. Il n’y avait plus rien à décrire dans cette langue qui ignorait l’existence de l’humain. Et la suite allait se montrer plus stupéfiante encore.

Lorsque nous avons vu cette surface pour la première fois, dans sa totalité, débarrassée des preuves fabriquées que nous avions si souvent prises pour argent comptant, intentant de faux procès à ceux qui les dénonçaient, nous nous sommes mis à pleurer. Pour la première fois, nous nous trouvions devant quelque chose qui méritait d’être réel. Et c’était là toute sa grandeur. Cette chose résistait et, plus elle résistait, plus elle paraissait à la fois exemplaire et barbare. Une réalité nouvelle s’offrait à nous. Y avons-nous vraiment cru ? Peu importe aujourd’hui qu’elle a tout recouvert

Adrian Schiess, "flaches Werk"

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