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Elle se tient droite. Sa voix siffle. Je la vois de trois quarts. Son visage est dans l’ombre. Ses cheveux sont noués sur sa nuque. Je me tiens à quelques mètres de ce corps. Il me fait l’effet d’un bel animal plein de sauvagerie et de saletés abominables. Des images de cheval frémissant, hennissant, au trot, en train de chier, me traversent l’esprit. Je pense à l’encyclopédie de la sexualité que m’avait offerte mon père, inquiet de voir son fils handicapé montrer si peu d’intérêt pour la chose. Je me souviens que je n’avais pas eu la force de porter les livres jusque dans ma chambre. Ma mère refusant de s’en charger, et refusant moi-même de m’abaisser à demander l’aide de mon père, ils sont restés empilés sur son bureau au bas de l’escalier. Un seul de ces volumes m’intéressait. Contrairement aux autres, simplement cartonnés et à peine illustrés, alignant des platitudes anthropologiques ou anatomiques, il était tendu de cuir noir et débordait d’images obscènes. Je me plongeais dans ce catalogue des déviations le cœur battant. Il arrivait encore que ma mère me lise la Bible à cette époque. Je ne l’écoutais pas. Je pensais aux gravures illustrant les textes de Sade et de Sacher-Masoch, et au trésor de photos en couleur auquel j’allais retourner dès que je serais seul, enfin rendu à mon nouveau paradis de pratiques avilissantes. Je les contenais toutes. Elles me donnaient la nausée. Elles m’emportaient au ciel. Je me souviens surtout du visage extatique d’une femme couverte par un chien. Elle avait la tête en arrière, les paupières baissées et le corps dans cet état d’abandon du plaisir absolu, de l’éclair qu’aucun homme ne peut faire jaillir, elle avait l’expression de la sainte Thérèse du Bernin, de l’union charnelle d’un mortel avec Dieu.